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COMMEMORATION PONTCALLEC NAONED 02/10/21

Malgré la tempête, une trentaine de Bretons tenaient à commémorer le tricentenaire de l'exécution de Pontcallec et ses compars...

Pourquoi faire diront les uns... Du devoir de mémoire et des valeurs portées anciennement comme de nos jours, il est simplement question de Liberté!

Un grand merci aux organisateurs du Comité Pontcallec ainsi qu'à Philippe Romillat pour avoir représenter notre Parlement.

Ci-Dessous, le Bro Gozh Ma Zadou chanté en fin de commémoration:

https://www.facebook.com/tudjentil.breizh/videos/612416903099216

1- mot de la Marquise de Talhouët (Présidente d'honneur du Comité PONTCALLEC 1720-2020) lu par Gérard de BOISBOISSEL (TUDJENTIL BREIZH) :

"Trois cousins, jeunes et beaux, Talhouët Boisorhand, et Talhouët Bonamour, et un parent plus éloigné, Lemoine de Talhouët, une des victimes décapitées à Nantes, se sont engagés dans ce grand mouvement d’insurrection orchestré par le Seigneur de Pontcallec, et avec eux toute la jeune génération de la noblesse bretonne.

Dans l’histoire familiale on raconte sobrement à propos de notre propre ancêtre: « Il a été condamné à mort par contumace ; il a pris la fuite et rejoint les navires espagnols »

Oui ! Condamné à l’exil, il a dû fuir et il a disparu de la famille :

« Louis-Marcel de Talhouët, Comte de Talhouët et Marquis de Boisorhand né le 6 Mai 1690 est mort en exil à Pise (Italie) le 31 Octobre 1733 à l'âge de 43 ans » .

Ce fameux Louis-Marcel de Talhouët Boishorhand, gouverneur de Redon, a son beau portrait dans le salon de la Villequeno. On est ému devant le visage de cet enfant promis à un avenir paisible et fastueux !

L’exil ! la galère ! Une sorte de mort lente.. sans avenir, sans descendance, et coupé de tous les siens.

Je pense souvent à la douleur des familles après l’échec de cette conspiration , qui a suivi, une génération après, l’échec de la révolution paysanne des « Bonnets rouges ». Dans les demeures bretonnes, le ressentiment, le désir de revanche germeront dans les cœurs et seront les ferments de la prochaine révolution, la grande celle-ci, la Révolution Française ...

C’est ce que démontre très bien le beau film de Bertrand Tavernier « Que la fête commence » !

Notre Louis-Marcel, notre exilé, a donné ainsi sa vie pour la Bretagne, comme les trois héros décapités à Nantes.

Oui, en lui, en eux, par leur sacrifice, a grandi en Bretagne ce sentiment national, cette fierté ! Ce désir de justice et de liberté qui va devenir leur drapeau.

Son descendant et petit neveu, François de Talhouët, choisira dans le sillage des « Lumières » les idées de la Révolution Française et sera ainsi le premier Maire de Rennes.

De cela nous sommes fiers.

Un même idéal de Justice et de liberté l’a remis en route, comme auparavant les insurgés autour du Seigneur de Pontcallec.

Mais la route est longue et pleine d’embuches.

A leur école, restons sur cette route, et tenons bon."

Christiane de Talhouët

 

2- mot de Jean-Loup LE CUFF (Président de MAB / KOAD SAV PELL) lu par Odile Buton et Marc-André le LEM :

"En hommage à de Pontcallec, de Montlouis, du Couëdic et Le Moyne du Talhouët."

Dans l’Histoire de Bretagne il est des noms qui claquent comme un drapeau au vent, qui excitent l’imaginaire ou l’inconscient, qui se tissent une légende posthume sur des faits réels parfois embellis ou magnifiés par le temps… par une chanson.. par une tradition.

Le nom de Pontcallec est de ceux-là : Chrysogone-Clément de Guer, marquis de Pontcallec.

Et quand on lit son histoire en connaissant les méandres des luttes pour les Libertés Bretonnes jusqu’à nos jours, on est surpris par certains traits communs avec nos aspirations contemporaines, certaines exaltations ou faiblesses, d’où se dégage une sorte de romantisme tragique : celui du pot de terre écrasé par le pot de fer mais dont la mort, ici barbare, donne sens aux aspirations permanentes d’un peuple à la liberté… face aux injustices d’un pouvoir en place, considéré souvent comme illégal, abusif et ethnocidaire…

En 1719, le marquis de Pontcallec, issu de la petite noblesse bretonne, prend la tête d'une conspiration contre le Régent qui, dans un contexte d'endettement de l'Etat, suite aux guerres menées par Louis XIV décédé en 1715, veut augmenter les impôts. Ce soulèvement anti-fiscal sera sévèrement réprimé. De Pontcallec et trois autres meneurs seront décapités.

Comme la rébellion anti-fiscale des Bonnets rouges de 1675 écrasée par la répression terrible des Dragons de Louis XIV, la rébellion de Pontcallec et de ses amis est comme un soubresaut de cette permanente volonté bretonne de recouvrer sa liberté, et comme cela est un crime odieux de s’attaquer au pouvoir français, monarchique ici, républicain plus tard, on exécute sans pitié en place publique, à la hache…

Récemment le mouvement des Bonnets rouges fut un mouvement de protestation apparu en Bretagne en octobre 2013, en réaction à la taxe poids lourds et aux nombreux plans sociaux de l'agroalimentaire. Ce mouvement s’arrêta en chemin également avant les Libertés Bretonnes, mais avec un succès relatif quant à la fin des portiques écotaxes pour la plus part détruits ou enlevés. Ce mouvement donna cependant peut-être naissance cinq ans plus tard au mouvement des Gilets jaunes, mouvement de protestation apparu en France en octobre 2018. Ce mouvement social spontané trouva son origine dans la diffusion, sur les médias sociaux, d'appels à manifester contre l'augmentation du prix des carburants automobiles, issue de la hausse de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Ensuite leurs revendications vont s’élargir davantage. Beaucoup de manifestants gilets jaunes ont été blessés ou mutilés par une répression policière importante, et le mouvement a fini par s’étioler avant l’arrivée du Covid…

Oui le premier point commun entre ces quatre rébellions de 1675, 1719, 2013 et 2018 est leur aspect anti-fiscal face aux abus du pouvoir… Le second point commun est leur échec face à un objectif de liberté et de justice… Sous la monarchie on a exécuté sans compter pour l’exemple, et sous la terreur républicaine on en a même fait une quasi industrie… Le pouvoir n’a aucune tolérance avec les idéalistes et les manifestants épris de liberté et de justice. Il réagit souvent vite et fort avant que l’édifice social sous ses pieds ne s’écroule, le faisant rouler dans la poussière.. A ce titre, Pontcallec a une image universelle et moderne, ou du moins le Pontcallec devenu légendaire en héros posthume.

Le véritable Pontcallec semble un peu différent selon ses détracteurs, et revenons aux faits : En 1715, à la mort de Louis XIV dont les guerres ont ruiné la France, le Régent, Philippe d'Orléans prend les rênes du royaume en attendant que Louis XV soit en âge d'accéder au trône. En 1717, il décide de lever par la force de nouveaux impôts. Les États de Bretagne estiment que c'en est trop.. « Re zo re » comme diraient nos Bonnets rouges de 2013! Et ils refusent d'enregistrer les nouveaux édits de perception fixés à deux millions de livres. Une délégation se rend à Versailles pour se faire entendre. En vain, et la grogne monte en Bretagne. La petite noblesse peu fortunée prend la tête de la fronde. Trois cents de ses représentants et gentilshommes signeront un manifeste intitulé « Acte d'union pour la défense des libertés de la Bretagne ». Pontcallec prend la tête de ce mouvement. Né à Rennes et célibataire, il vit dans le château familial avec sa sœur. Il ne semble pas être le gentilhomme charmeur et brillant, proche de ses paysans, que décrit la fable moderne. On le dit odieux et violent, détesté des paysans, vivant davantage de la contrebande de tabac que de l'exploitation de ses terres.

Vraiment ? Peut-être n’était-il pas un saint, mais visiblement pas un lâche ou un oisif.. Et ne soyons pas naïfs, pourquoi aurait-il dû être parfait ? Son destin l’a porté à la tête d’une rébellion anti-fiscale pour la défense des Libertés de la Bretagne, abusivement et illégalement occupée depuis l’Edit de 1532, comme d’autres avant lui, et d’autres après lui… Mais pourquoi en parle t’on encore aujourd’hui ? Peut-être à cause de la violence de son exécution et de celle de ses compagnons qu’il faut nommer aussi : Thomas de Montlouis, Laurent de Talhouët et François du Couëdic. Oui, ces quatre Bretons seront jugés à Nantes pour crime de lèse-majesté et félonie par une cour d'exception composée de juges français avec comme président un Savoyard, sur ordre du Régent qui ne veut aucune clémence, au lieu d’être jugés par leurs pairs Bretons des Etats de Bretagne… et ils auront la tête tranchée place du Bouffay le 20 mars 1720.

Imaginons qu’il n’y ait pas eu d’exécution, qu’ils aient justes été emprisonnés quelques années puis graciés ou libérés en fin de peine… Seraient-ils encore connus de nous aujourd’hui ? Auraient-ils cette force de symbole, cette stature héroïque, sans cette mort violente spectaculaire et cette vindicte sans pitié du pouvoir en place ? Rien n’est moins sûr. Surtout que certains historiens ont parlé d’eux comme des bouc émissaires bretons, qui ont permis de faire silence sur d’autres conspirateurs plus importants, et qui avaient promis de l’aide à la rébellion de Pontcallec: En Espagne, le roi Philippe V, petit-fils de Louis XIV avec l'aide du duc et de la duchesse du Maine. Alors qui est Pontcallec ? Un aventurier ? un idéaliste ? un rebelle ? Un opportuniste ? un héros ? Un pragmatique ? une légende ? une victime ? Un bouc émissaire ? Sans doute un peu de tout cela, avec d’autres facettes encore… Mais ce qui compte c’est ce qu’il suscite en nous aujourd’hui, et l’appel à la Liberté Bretonne que son nom continue de faire résonner en nous… Et cela ne se commande pas ! C’est juste là en nous… Pontcallec et ses amis sont des pierres qui font parties de l’édifice de notre Histoire de Bretagne.

Pontcallec et ses amis sont des maillons de la chaîne humaine Bretonne qui constitue l’ADN de notre Peuple épris de Liberté et de Justice. A ce titre nous leur devons respect et mémoire ! Nous pouvons même les remercier et leur dire que leur sacrifice n’est pas vain, tant le sang versé des Bretons morts pour la Bretagne nourrit les racines des Bretons vivants, toujours épris de Liberté et de Justice ! Merci à vous Pontcallec, de Montlouis, du Couëdic et Le Moyne du Talhouët. Trugarez vraz deoc’h evit Breizh dieub !

Jean-Loup Le Cuff